XVI
LA FORCE D’UN VAISSEAU

Bolitho s’approcha des fenêtres de poupe de la grand-chambre et regarda les embruns qui brouillaient les vitres de verre épais avant de se figer comme des aiguilles de glace sous la poussée du vent de suroît.

Le capitaine de vaisseau James Tyacke l’observait, notait chaque variation de son humeur, tandis que l’autre moitié de son cerveau surveillait les bruits du vent et du gréement. Son vaisseau, sa responsabilité.

— Vous persistez à penser que j’ai tort, James ?

— C’est plutôt le temps qui me soucie, amiral. York prétend que le vent va se maintenir pendant quelques jours, mais je n’en suis pas aussi sûr. Si le convoi de Halifax se fait prendre par le mauvais temps et si la mer grossit, il risque de s’éparpiller. Cela signifie qu’il va se retrouver sans toute l’escorte que Leurs Seigneuries auront jugé opportun de lui fournir.

Il n’essayait pas de cacher son dégoût.

— Avec tous ces hommes, ces chevaux et ces canons, cela risque d’être un véritable massacre.

Bolitho s’approcha de la carte déroulée sur sa table. Il était midi, mais la lumière était aussi glauque qu’au coucher du soleil.

Il essayait de se représenter ses vaisseaux, largement étalés, avec la grosse Walkyrie du capitaine de vaisseau Dawes en tête.

La ligne s’étirait tout au long du quarante-cinquième parallèle, tandis que toutes leurs autres zones de croisière restaient sans défense. L’Unité de Beer se trouvait à Boston, et le Baltimore, encore l’une de ces frégates américaines les plus récentes, avait été vu dans la baie de la Delaware. Attendaient-ils là une tentative de libération ? Cela semblait peu probable, même si le second de La Fringante avait signalé avoir aperçu un vaisseau de ce type lors de son engagement avec le joli petit brick. Les commandants devaient agir au mieux s’ils se sentaient menacés, car ils ne pouvaient compter sur aucun soutien ni aucun renfort.

Bolitho effleura son œil. Il fallait qu’il ait raison. Ce convoi de troupes, dont on disait qu’on l’avait doublé d’importance, constituait une prise qu’aucun amiral ne pouvait négliger.

Mais si je me trompe…

La porte s’ouvrit, Adam fit son entrée. Trois jours depuis que le fils d’Allday l’avait conduit en lieu sûr, et quelle différence – sauf dans ses yeux. On y percevait de la tension, il avait aux commissures des lèvres des rides que Bolitho ne lui avait jamais vues avant la perte de l’Anémone.

Mais il nota également une certaine ardeur qui faisait contraste et eut l’impression de retrouver l’aspirant. Ou était-ce un vœu pieux ?

— Eh bien, Adam, vous voilà enfin convenablement vêtu !

Adam baissa rapidement les yeux sur son uniforme, composé d’effets divers que lui avaient prêtés les officiers et aspirants de L’Indomptable.

Tyacke lui demanda :

— Le second vous a-t-il donné quelque chose ?

Bolitho lui jeta un coup d’œil. La question était de toute évidence particulièrement mordante. Adam répondit négligemment :

— J’imagine qu’il aura oublié. Les seconds ont toujours énormément à faire à la veille de grands événements !

Il essaya de sourire, mais son regard restait toujours aussi grave.

— En êtes-vous certain ? lui demanda Bolitho.

Et il lui mit impulsivement les mains sur les épaules.

— J’ai préparé votre lettre de commandement. Vous allez prendre immédiatement La Fringante, au cas où le temps nous deviendrait défavorable. Mais pas de risques, Adam, vous n’êtes pas encore suffisamment remis. Soudez votre équipage, gardez précieusement le souvenir de l’Anémone, mais que cela ne vous pousse pas à essayer de la venger si vous n’avez pas un espoir raisonnable de victoire. Vous êtes le meilleur de mes commandants de frégate, faites attention.

Il lui serra plus fort les épaules en songeant à la lettre qu’il avait confiée à la goélette Reynard.

 

« Ma Kate chérie, je répugne beaucoup à l’envoyer sur La Fringante après les épreuves qu’il a traversées. Mais il est le meilleur officier dont je dispose et il lui faut un commandement, comme cela fut mon cas dans le temps. »

 

Tyacke contemplait les taches laissées par le sel sur les vitres inclinées. Il avait hâte d’en finir. Et en son for intérieur, il savait que tout le monde était dans son cas. C’était comme les derniers adieux ; on ne trouve pas les mots qu’il faut au moment où ils seraient les plus nécessaires. Il commença :

— Le commandant Dampier était un excellent chef, un peu trop imprudent à mon goût. Mais comme il est mort, tout le monde va le considérer comme un martyr.

Il esquissa un sourire, de vieux souvenirs semblaient lui revenir.

— Son équipage risque de serrer les rangs, de vous regarder comme un intrus, non ?

Adam acquiesça, impressionné par la force de cette haute silhouette au visage ravagé.

— Je comprends.

— Oh que oui, ils vont maudire leur nouveau commandant, jurer leurs grands dieux qu’il n’arrivera jamais à la cheville de son prédécesseur ! Mais vous êtes le commandant. Ne laissez jamais personne l’oublier – il lui tendit la main : Vous emmenez le jeune Whitmarsh avec vous ?

Il savait bien que l’une des raisons de ce choix, c’était que le jeune garçon avait été le dernier survivant à quitter l’Anémone.

Tout ce qu’Adam trouva à répondre fut :

— Il l’a bien mérité.

Un aspirant, la vareuse assombrie par les embruns, fit son apparition.

— Le second vous présente ses respects, commandant. Canot paré le long du bord.

Et il disparut.

— Encore une chose, reprit Bolitho.

Il s’approcha de la cloison et décrocha le vieux sabre de famille.

— Prenez-le. Il vous appartient de droit et il sera vôtre un jour ou l’autre.

Adam le repoussa doucement et remit le sabre dans son support.

— Ne parlons pas de cela, mon oncle. J’en trouverai bien un autre quand j’en aurai besoin.

Ils sortirent pour gagner la coursive entre les chambres des officiers, des réduits qui pouvaient être démontés en quelques minutes lorsque les hommes couraient aux postes de combat et que les tambours suspendaient les battements de cœur. Des silhouettes se déplaçaient telles des ombres : Allday lui serra vigoureusement la main, Yovell, même Ozzard qui montrait rarement ses sentiments. Et enfin John Bankart, le fils naturel d’Allday, qui avait disparu pendant tant d’années.

Adam songeait peut-être à sa propre enfance, sans père – du moins le croyait-il –, à sa mère qui s’était vendue pour le nourrir et pourvoir à son éducation.

Bolitho le regarda serrer la main de Bankart. Ce n’était plus un jeune homme, il avait environ trente ans maintenant.

Il entendit Adam lui dire :

— Ne restez pas à la mer, John. Ce n’est pas un métier pour vous et cela ne l’a jamais été. Je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi, et votre père non plus – il lui sourit, un sourire plein de chaleur : Accordez-lui un peu de votre temps. Il se fait un sang d’encre à cause de vous !

Les trilles des sifflets se firent entendre, il se laissa glisser le long de la muraille avec agilité et sans hésiter, en dépit de sa blessure.

S’abritant les yeux, Bolitho observa La Fringante qui montrait sa doublure de cuivre quand elle roulait lourdement dans la mer qui la prenait par le travers.

Son équipage allait avoir une belle surprise. Cela leur ferait du bien. Il vit Adam se retourner pour agiter une dernière fois la main, sa coiffure d’emprunt coincée entre les genoux. Cela lui ferait du bien, à lui aussi.

Mais Tyacke pensait déjà à des choses plus immédiates.

— Je ferai une école à feu après les rations de l’équipage, sir Richard. Ce n’est pas le moment de mollir.

Bolitho le laissa pour regagner sa chambre. Arrivé là, il reprit sa lettre inachevée, se demandant quand ils reverraient le Reynard, ou quelque autre courrier qui pourrait la prendre.

Il s’assit devant les feuillets étalés sur la table et posa la dernière lettre de Catherine à côté. Elle lui décrivait les couleurs changeantes de la Cornouailles, de Falmouth. L’automne qui arrivait, les brumes qui s’étendaient au-dessus de la pointe de Pendennis.

 

« Chaque soir lorsque je m’étends, je t’attends, mon chéri. Je prononce ton nom et, comme en ce jour terrible où ils ont retrouvé Zénoria, je sens ta main sur la mienne. Je me sens en sécurité, saine et sauve, tu m’es si précieux. Je t’ai déjà parlé de Val Keen. Il est très atteint par cette perte. Bolitho la soupçonnait d’avoir hésité avant d’écrire cette phrase. Mais il surmontera cette épreuve, j’en suis certaine, et il trouvera quelqu’un d’autre.

« J’en sais certains qui n’ont pas cette issue…»

 

Il leva les yeux, irrité qu’on vînt l’interrompre, mais c’était Allday. Allday qui lui dit :

— J’me suis dit qu’y fallait que j’les empêche de vous embêter, sir Richard. Le Reaper vient juste d’apercevoir une voile dans l’est. Un brick.

— Alors, mon vieux, c’est l’un des nôtres.

Ses yeux revinrent à la lettre. Non, il la terminerait plus tard. Mais pourquoi ces mots étaient-ils si chargés de menace ?

Allday dit d’une voix bougonne :

— Cela fait un drôle d’effet de voir son rejeton à bord. Mieux eût valu que ce soye un inconnu, je me sentirais moins mal à l’aise ! – il cligna des yeux : Et pourtant, il a été un peu remué quand il a su que j’avais une fille.

Bolitho lâcha un sourire. Kate. Il espérait que cela n’avait pas trop attristé sa Kate à lui.

Deux heures plus tard, L’Indomptable était assez proche du nouvel arrivant pour l’identifier. Il s’agissait du brick Belette, de quatorze canons.

Il avait reçu l’ordre de patrouiller aussi près que raisonnablement possible dans les approches sud de Nantucket. Comme indiqué dans ses instructions, son commandant, un Dévonien rougeaud du nom de John Mates, avait quitté son secteur de croisière pour tenter de retrouver, soit son amiral, soit l’un des bâtiments de l’escadre.

Tyacke vint prévenir Bolitho dans sa chambre.

— C’est la Belette, amiral. L’USS Unité a pris la mer. Elle s’est échappée voilà trois nuits.

Il fit un large geste de ses grosses mains.

— Envolée, tout simplement.

Bolitho réfléchissait furieusement à ce qu’il venait d’apprendre, ou plutôt à ce qui lui manquait. Tyacke ajouta :

— J’ai fait répéter au Reaper… – puis, sans que ses yeux bleus cillent une seule seconde : à La Fringante.

Bolitho se pencha une fois de plus sur la carte. Pas déjà. Pas déjà. Comment pouvaient-ils se faire une idée de ce qui se tramait, être certains de quoi que ce soit ? Ce n’était pas là une guerre comme celle à laquelle il s’attendait. Maintenant, ceux qui décidaient des règles du combat n’avaient, pour la plupart, jamais participé à une seule bataille. Tout cela devenait une affaire personnelle, trop personnelle. Beer devait disparaître, ou me tuer. Rien d’autre ne compterait.

Tyacke lui dit brusquement :

— Je vous aiderai de toutes mes ressources, amiral.

— Alors, répondit Bolitho, nous réussirons.

Il jeta un dernier regard à la lettre qu’il n’avait toujours pas terminée. « Kate chérie. Notre amour est plus important que mon devoir. » Il aurait combattu ce sentiment, dans le temps, mais ce n’était plus de saison.

Tyacke avait disposé. Il était la force de L’Indomptable, sa quille, sa batterie étincelante de pièces. Assez puissant pour maîtriser les terriens comme les vieux marins, le gréement. Il sourit. Comme le jour où le vieux matelot qui le formait lui avait expliqué le rôle de milles et de milles de cordages.

— Faut que ça tire pareil des deux bouts, mon jeune monsieur. C’est ça qui fait que ça tient !

Voilà qui décrivait Tyacke mieux qu’il n’aurait su le faire lui-même.

Installé au vent sur la dunette, George Avery était cramponné à un hauban et contemplait la majesté de l’océan qui s’étendait des deux bords. On avait peine à croire qu’il cachait des périls, jusqu’à ce que quelqu’un comme York sorte la carte, des pages et des pages de calculs, marées, sondes, courants. La terre était hors de vue, même pour la meilleure des vigies. Ils ne voyaient jusqu’à l’horizon que les huniers noyés dans la brume de leurs deux conserves, telles des mains qui font la chaîne.

Il songeait aux lettres qu’il avait lues et écrites pour John Allday. Des images de l’Angleterre rurale, quelques commentaires plus personnels qu’il ne pouvait pénétrer complètement, mais il lisait dans les yeux du maître d’hôtel le plaisir que cela lui causait. Bolitho avait évoqué le contre-amiral Keen après avoir reçu une lettre de Lady Catherine. Il avait écouté avec la plus grande attention, intrigué qu’il était également par le gant, visiblement très précieux, la seule chose qu’Adam Bolitho ait réussi à sauver pendant sa captivité. Quelle importance peut bien avoir l’honneur lorsque l’amour prend le dessus, même s’il s’agit d’amours secrètes ?

— N’avez-vous rien de mieux à faire ?

C’était Scarlett, qui oscillait d’avant en arrière sous la poussée de L’Indomptable lorsqu’il plongeait avec dédain dans un creux. Avery répondit avec le plus grand calme :

— J’ai de quoi m’occuper. Je n’ai aucune envie de discuter, je n’ai pas davantage envie de me laisser insulter.

Il aurait aussi bien pu ne rien dire.

— Oh non, pas venant de vous, non ! Vous n’avez pas besoin de trop vous battre pour avoir de l’avancement, contrairement à nous autres ! Les privilèges, les relations, voilà votre marine, monsieur, mais ce n’est pas la mienne !

— Taisez-vous, bon sang ! Les hommes de quart vont nous entendre !

— Et ce ne serait pas convenable, c’est cela ? Parce qu’il s’agit d’un Bolitho, il obtient un commandement, d’un claquement de doigts. Je prends les paris : la prochaine fois, ce sera votre tour !

— Je n’en entendrai pas davantage !

Il fit demi-tour, mais Scarlett l’agrippa par le bras et le tint comme s’il avait une pince. Avery lui dit lentement :

— Otez votre main, monsieur Scarlett, sans quoi…

— Sans quoi ?

— N’essayez pas de me provoquer, monsieur. Vous pouvez avoir tous les commandements de la terre, je m’en moque. Mais je m’en vais vous dire une bonne chose Scarlett commençait à fléchir sous le regard perçant de ses yeux bruns : Je ne crois pas que vous soyez apte à commander quoi que ce soit !

Un aspirant annonça :

— Le commandant monte, monsieur !

Mais, sous le regard glacial que lui jeta Scarlett, il baissa les yeux.

— Faites moins de bruit, monsieur Essex, ou je vous envoie dans la mâture, toute la nuit si nécessaire !

Il revint à Avery. Plus tard, en repensant à tout cela dans son réduit, Avery songea qu’il avait eu devant lui une personne tout autre que celle qu’il avait connue. Scarlett avait ajouté :

— Vous ne devriez pas vous emporter si vite, mon vieux ! Vous n’hésitez pas à allumer la mèche, pas vrai ?

Il s’était même payé le luxe de sourire. Il était devenu un étranger, et pourtant, ils partageaient le même carré depuis l’appareillage de Plymouth.

D’ici deux jours environ, ils allaient combattre. C’était du moins ce que conjecturait York, le pilote. Et à supposer que Tyacke tombe ? Il revoyait cette fureur dans les yeux de Scarlett. Quelque chose faisait sortir cet homme de ses gonds. La boisson, les femmes, l’argent ? En général, l’explication se trouvait là. Mais un fou sur la dunette d’un vaisseau du roi… qui en porterait la responsabilité ?

Il imaginait Bolitho sous ses pieds, dans sa chambre, occupé à lire ses lettres ou les recueils de sonnets reliés en cuir qu’elle lui avait offerts. L’homme dont ils dépendaient tous, et qui pourtant prétendait encore dépendre d’eux. De nous.

L’enseigne de vaisseau Laroche avait le quart de l’après-midi. L’air méfiant, il regardait Scarlett qui s’éloignait du commandant.

— Ah, Jeremy, vous êtes de quart. Nous allons entraîner la batterie sous le vent. Mais plus tard, pendant le quart du soir, vous ne feriez pas une partie de cartes ? Bon, bon… je ne puis supporter les gens qui font la tête. La plupart du temps, ce sont de mauvais perdants.

Avery vit que Laroche le regardait. Sa figure cochonnesque avait pris une expression étonnée.

Il gagna la descente. Ainsi donc, c’était de cela qu’il s’agissait.

 

Yovell posa un autre document sur la table et attendit que Bolitho veuille bien le parapher. L’amiral lui dit :

— Voilà qui fera l’affaire. J’imagine que vous en avez assez de faire marcher votre plume d’oie pour mon compte.

Yovell le scruta par-dessus ses lunettes cerclées d’or.

— Vous devriez prendre quelque chose, sir Richard. Il n’est pas bon de rester à jeun lorsque l’on va affronter le danger.

Bolitho leva les yeux. L’esprit plus clair désormais, il recommençait à entendre les bruits et les efforts du bâtiment. Les claquements de tambours des haubans et des enfléchures ; les craquements de l’appareil à gouverner sous le tableau ; les mille et un sons impossibles à identifier d’un vaisseau à la mer. York ne s’était pas trompé sur le temps : le vent encore bien établi soufflait en rafales, mais il restait du suroît. Il essayait de se représenter le reste : une masse de terre sans fin dans le nord-ouest, le cap Cod, puis, plus loin, Halifax et la Nouvelle-Ecosse.

Yovell avait deviné son état de tension. Ce n’était guère surprenant : ils avaient vécu tant d’années ensemble.

— Il ne se passera peut-être rien du tout.

Bolitho tendit l’oreille, il avait entendu le son fugitif d’un violon. La bordée de repos était en bas après avoir avalé le dernier repas de la journée. Les hommes sentaient-ils l’imminence du danger ? Ou bien personne ne se souciait-il de ce qu’ils pouvaient penser et éprouver ?

La porte s’ouvrit, Avery pénétra dans la chambre.

— Sir Richard ?

— Je me disais que vous prendriez bien un verre avec moi.

Avery se tourna vers Yovell, qui hocha la tête.

— Vous devriez manger quelque chose, sir Richard.

Bolitho essaya de contenir sa colère.

— Qu’est-ce qui vous arrive, George ? Avez-vous avalé un morceau, vous ?

Avery alla s’asseoir et suivit des yeux Ozzard qui allait chercher du cognac. Bolitho ne tenait pas en place, il était mal à l’aise. Il répondit :

— Lorsque j’étais prisonnier de guerre, j’ai découvert que j’étais capable d’avaler à peu près tout et n’importe quoi, amiral. Cette habitude m’a été depuis très utile.

Bolitho lui lança un regard éperdu de reconnaissance. Bien sûr, c’est pour cela qu’Avery avait parfaitement compris l’angoisse qu’il avait ressentie pour Adam. Les misères de la détention, lorsque l’on a connu la liberté de la mer.

Il leva son verre :

— A nous, et au moment, quel qu’il soit, où il nous faudra montrer ce que nous valons.

Il savait que Yovell était sur le point de s’en aller, mais qu’il traînait près de la portière. Il savait aussi que tout ce qui se disait ici y resterait confiné.

— Je crois que le plus tôt sera le mieux.

La porte se referma sans bruit. Yovell allait regagner avec sa bible son petit bureau, là où il dormait et préservait son intimité. Chose difficile à bord d’un vaisseau, en compagnie de deux cent soixante-dix âmes, de l’amiral au dernier des mousses.

Il songea de nouveau à son escadre éparpillée. Supposons qu’il se soit trompé, que Beer ait décidé, laissant de côté ses sentiments, d’attaquer bille en tête le convoi ? D’un autre côté, loin, très loin sur l’arrière, l’accès des Caraïbes était libre et grand ouvert. Qu’est-ce qui allait le tenter le plus ? Il but une gorgée de cognac en essayant de ne pas penser à Catherine, seule dans la grande demeure grise.

Avery lui dit lentement :

— Je crois que le commodore Beer ressemble beaucoup à son adversaire, sir Richard.

— A moi ? Comment serait-ce possible ? Je ne le connais pas !

Mais Avery tenait à son idée.

— C’est vous qu’il veut. Il me semble qu’il a retenu l’Unité parce qu’il croyait sincèrement que vous alliez faire une tentative. Je pense également que La Fringante a été poursuivie par une autre grosse frégate. Il me semble qu’on a parlé du Baltimore.

Avery, tout étonné, le vit se lever. Il se mouvait comme un chat en dépit du roulis, comme il l’avait vu faire si souvent.

— Ainsi donc, déclara Bolitho, nous allons nous battre.

Il regardait Avery, semblant chercher quelqu’un d’autre dans les traits de son visage.

— Voyez-vous, George, celle-ci ne va pas ressembler à tant d’autres batailles navales. Cela fait vingt ans et plus que nous nous battons contre les Français et leurs alliés, dans ces mêmes eaux. Ce qui a soutenu le marin anglais quand tout lui paraissait contraire, c’est la haine cordiale qu’il porte aux étrangers, Grenouilles, Hollandais, Espagnols et autres Teutons. Mais ici, le cas est différent, comme il l’était pendant la guerre d’Indépendance. C’est une chose de se former en ligne de bataille et de se battre à mort jusqu’à ce que l’ennemi baisse pavillon. Lorsque je me trouvais dans les parages, à cette époque, j’étais jeune, j’idéalisais la marine. J’ai bien vite appris qu’un tel conflit peut être fort différent.

Il lui prit le bras et Avery devina qu’il ne s’en était même pas rendu compte.

Bolitho se tourna vers lui. Ses yeux gris avaient retrouvé leur froideur, un gris qui rappelait la mer sous Pendennis.

— Sabre à la main, hacher et trancher tout ce qui bouge autour de vous, perdre le souffle, le cœur au bord des lèvres, et puis vous les entendez…

Avery attendait la suite. Un frisson lui passait dans le dos qui le forçait au silence.

— Les voix, George, c’est cela dont vous vous souvenez. Des voix des Shires, du Ponant, des Dales, des voix de pêcheurs et de laboureurs, de paysans et de tisserands. Lorsque nous allons rencontrer les Américains, cette fois encore ce sera la même chose. Ils vont se battre pour leur liberté, celle qu’ils nous ont arrachée un jour, pour la liberté de leur pays tout neuf, et, une fois de plus, ils vont nous considérer comme les agresseurs !

Avery lui répondit :

— Les hommes ne vous laisseront pas tomber, amiral. Je les ai observés et écoutés. Ils parlent du pays, mais ils ne rêvent pas d’une autre patrie.

Il songeait à la lettre qu’Allday avait reçue de cette petite auberge de Fallowfield, du bonheur et de l’amour que toute cette distance ne parvenait pas à abolir. Des hommes comme Allday ne changeraient jamais d’avis.

Bolitho lui donna une grande tape sur l’épaule.

— Reprenons un verre. Ensuite, vous me raconterez ce qui vous trouble.

— Ce n’est rien, amiral. Rien du tout.

Bolitho se mit à sourire.

— M’est avis qu’il proteste un peu trop fort !

Il alla se rasseoir.

— Scarlett, le second, c’est cela ?

Mais avant qu’il ait pu répondre, Bolitho poursuivit :

— Vous savez, moi aussi, je vous ai observé. Depuis le jour où ma Catherine vous a choisi au fond de son cœur, lorsque vous vous disiez que j’allais vous renvoyer avec votre bagage. Vous êtes quelqu’un de loyal, mais trop sensible. Je m’en suis rendu compte lorsque vous racontiez vos souvenirs comme prisonnier de guerre. La conclusion injuste du conseil de guerre, après votre libération, vous a également fait éprouver de la sympathie pour ceux qui se retrouvent dans la même situation. Certains d’entre eux ne méritent que le traitement le plus sévère si d’autres ont été entraînés dans les plus grands périls à cause de leurs erreurs de jugement.

Il s’était remis debout et regardait la fenêtre transformée en fantôme par l’écume, comme s’il voulait embrasser l’ensemble du vaisseau.

— Si un commandant fait courir à son bâtiment des risques inutiles, il doit s’attendre à passer en conseil de guerre ou pis encore.

Il essaya de sourire.

— Et moi ? Je terminerais sans doute sur la dunette, sous les balles des fusiliers du capitaine du Cann, comme ce malheureux amiral Byng. C’était peut-être il y a un demi-siècle, mais la marine n’a pas changé.

Il tendit un verre à Avery :

— Son vice, c’est le jeu, n’est-ce pas ?

Avery contemplait son verre, débordé par la force de ces révélations et le fait d’avoir entrevu l’émotion bien réelle de Bolitho. Il n’osait même pas se dire qu’elle provenait de l’incertitude. Bolitho reprit doucement :

— Oubliez ça, George. Tout comme vous, j’ai de bonnes raisons de me souvenir de soi-disant amis, qui n’ont pas manqué une occasion de me rappeler les dettes de jeu de mon frère ni le prix qu’il a payé en fin de compte pour sa folie.

— Je suis désolé, amiral.

— Je crois que le capitaine de vaisseau Tyacke se doute de quelque chose. Dans ce cas, je plains Scarlett. Mais il est l’un des officiers les plus expérimentés du bord. Il sait ce que c’est que de se retrouver devant l’ennemi, lame contre lame. C’est lui ou c’est moi : la seule loi de la guerre qui vaille.

Avery se leva.

— Merci, sir Richard. Merci de m’avoir permis de partager vos réflexions et d’avoir trouvé le temps de vous intéresser à mes propres problèmes. Je vous promets…

Puis, hochant la tête, il lui fit un sourire un peu piteux.

— Je suis désolé. Je n’aurais pas dû dire cela. Le jour où je me suis présenté pour la première fois devant vous et devant Lady Catherine, à Falmouth, vous m’avez prévenu. Vous m’avez dit : « Ne me promettez rien ! A long terme, c’est plus sage. »

— Envoyez-moi Allday, lui dit Bolitho.

— Un godet, amiral ?

Ils rirent comme des conspirateurs. La porte se referma, Bolitho s’approcha des fenêtres couvertes d’une croûte de sel.

Mon petit équipage. Maintenant, il fallait qu’il se montre plus fort que jamais.

 

Le capitaine de vaisseau James Tyacke gagna la lisse de dunette et respira profondément plusieurs fois. Derrière l’ombre imposante de L’Indomptable, il distinguait les crêtes écumantes des lames, il sentait le chœur jubilatoire du vent à travers le gréement et dans la toile. Un bâtiment qui répondait au doigt et à l’œil. Des silhouettes se dessinaient tout autour de lui au fur et à mesure que ses yeux s’accoutumaient à la lumière naissante. John Daubeny, troisième lieutenant et officier de quart pendant ce quart de l’aube, rôdait alentour, ne sachant trop s’il pouvait parler ou s’il valait mieux garder le silence.

— Eh bien, monsieur Daubeny ? Je ne lis pas dans les pensées !

— Le vent reste stationnaire, commandant, suroît, modéré.

Tyacke leva la tête en direction des carrés de toile claire étalés comme de grandes ailes, mais à peine visibles à travers les embruns et les gerbes d’écume.

Ils étaient sous voilure réduite, ce qui suffirait jusqu’au lever du jour, quand il leur faudrait retrouver leurs deux conserves. Et ensuite ? Il jugeait toujours peu probable que l’ennemi se soit attendu à ce que Bolitho tombe dans le piège qu’il avait monté, avec cette histoire de lieu de détention du commandant Adam Bolitho. Le commodore Beer était un vieux malin, beaucoup plus expérimenté que bien d’autres. Il avait la tête sur les épaules, ce qui lui évitait d’imaginer des plans insensés.

Daubeny risqua prudemment :

— Pensez-vous que nous allons nous battre, commandant ?

Tyacke eut un sourire triste.

— Comme je vous le disais, je ne lis pas dans les pensées. Mais nous devons nous tenir parés, n’est-ce pas ?

Il devina que l’officier plissait les yeux. Il faisait toujours ainsi quand il avait une question plus directe à poser.

— Je crois que nous sommes prêts, commandant – il hésita : Grâce à vous.

Tyacke fronça le sourcil. Mais ce n’était pas vulgaire flatterie, ce qui ne l’aurait pas étonné chez quelqu’un comme Laroche. Il répondit :

— Moi aussi, il m’a fallu apprendre énormément de choses. Cela change grandement du commandement d’un brick, où vous n’avez personne pour vous marcher sur les pieds et pas d’amiral pour vous terroriser !

L’officier éclata de rire. Il n’aurait jamais imaginé que son commandant, si impressionnant, puisse se laisser terroriser par quoi que ce soit. Sauf peut-être lorsqu’il s’était retrouvé étendu dans l’entrepont, au combat d’Aboukir et qu’il avait pris conscience de son nouveau visage. Il dit :

— J’ai écrit ma dernière lettre à mon père, commandant, et je lui ai dit combien nous étions fiers de porter la marque de Sir Richard…

Mais il grimaça lorsque Tyacke l’empoigna par le bras.

— Ne parlez jamais de votre dernière lettre à quiconque, vous m’entendez ? Car elle risque bien d’être la dernière pour de bon, si vous vous laissez obnubiler !

Daubeny déglutit avec peine.

— Alors, commandant, je vais prier.

— Parfait, faites donc, encore que je fasse davantage confiance à un bon chirurgien qu’à un missel !

Il fit brusquement volte-face.

— Qu’y a-t-il ?

Il aperçut leur aspirant le plus ancien, Blythe, qui remontait des chantiers où il était allé inspecter les saisines.

— Commandant ?

— Je voulais vous dire, monsieur Blythe…

Il hésitait, se demandant pourquoi il n’aimait guère l’aspirant responsable des signaux alors que tous les officiers ne tarissaient pas d’éloges à son sujet. Cet homme-là avait la grosse tête. Bon, peu importe.

— J’ai mentionné votre nom dans mes dépêches, et j’y confirmais que je vous nommais enseigne à titre provisoire, en attendant que vous passiez votre examen.

Blythe regardait obstinément son ombre.

— Merci beaucoup, commandant ! Cela me fait grand plaisir !

Il avait du mal à cacher sa surprise et son bonheur, car Tyacke s’adressait rarement aux « jeunes messieurs », trop content de laisser ce soin aux officiers qui les connaissaient vraiment.

— J’ai une question, monsieur Blythe.

Les silhouettes rassemblées autour d’eux se figèrent, les hommes essayaient de ne pas trop montrer qu’ils tendaient l’oreille. Deane, l’autre aspirant du premier quart du matin, écoutait avec la plus grande attention, au cas où il se verrait poser la même question lorsque viendrait son tour. Navigation, matelotage, artillerie, charpentage. Mieux valait se préparer à tout.

Blythe se tenait très droit, Tyacke entendait presque ses méninges phosphorer. Il poursuivit :

— Qu’est-ce qui fait la force d’un bâtiment, monsieur Blythe ? Sauriez-vous me dire ça ?

Blythe était à court de mots.

— La quille et les membrures, commandant ?

Tyacke lui répondit sèchement :

— J’emmène cet aspirant avec moi. Monsieur Daubeny, vous pourrez vous passer de lui, j’imagine ?

Ils empruntèrent le passavant au vent, des formes sombres s’effaçaient pour les laisser passer. Tyacke descendit l’échelle à l’avant, s’arrêta un instant pour examiner les filets de branle. Si Sir Richard avait vu juste, les hamacs entassés là seraient bientôt couverts de sang.

Il réfléchit à ce qu’il éprouvait. De la peur, des doutes sur ses propres capacités, de la résignation ? Non. C’était plutôt de l’attention, tout ce qui reposait sur ses épaules. Le sort en avait peut-être déjà décidé. Il demanda à l’aspirant :

— Vous arrive-t-il de descendre dans les postes, monsieur Blythe ?

Le jeune garçon le fixait.

— Parfois, pour les exercices, commandant. Les aides du bosco peuvent se charger du reste.

— Vraiment ? Bon, suivez-moi.

Ils empruntèrent une seconde descente, plus large, que l’on remplacerait par un cordage, moins fragile si l’on devait rappeler aux postes de combat. Lorsque L’Indomptable était encore un deux-ponts, avant d’être transformé, la plupart des postes s’entassaient entre les pièces de chaque bord. Maintenant, au moins, ils étaient plus spacieux.

Il y eut un silence soudain lorsque le pantalon blanc de Tyacke apparut dans l’échelle, et un vieux marin s’écria :

— Debout, le commandant arrive !

Il roulait des yeux, comme s’il n’arrivait pas à y croire.

Tyacke mit sa coiffure sous le bras et ordonna sèchement à l’aspirant :

— Découvrez-vous, monsieur ! Vous ne venez pas ici pour raison de service. Et vous êtes ici chez eux, ne l’oubliez jamais !

Blythe commença à se sentir gêné, tandis que Tyacke faisait signe aux hommes de se rasseoir sur les bancs alignés près des tables bien briquées. Il y avait encore des odeurs de nourriture dans le poste tout en longueur. Tyacke s’arrêta un instant pour admirer la jolie maquette d’un cinquième rang qu’un marin était en train d’achever, sous l’œil critique de ses camarades de poste. L’un d’eux, plein d’insolence, déclara :

— C’est bien le seul vaisseau que Jack commandera jamais, commandant !

Tyacke les regardait rire aux éclats, il percevait, assez surpris, ce sentiment de camaraderie qui les unissait, leur plaisir si simple devant ce que d’autres auraient pris pour une intrusion.

Il observait leurs visages, l’un après l’autre, il savait dans quel endroit du bord se trouvaient leurs postes de travail. Il voyait les coffrets dans lesquels ils rangeaient leurs petits trésors, quelques portraits peut-être, du fil et des aiguilles, de l’ivoire de cachalot et de la toile pour ravauder leurs effets de mer. Il dit à Blythe :

— Rappelez-vous. C’est leur foyer. Ils ont là tout ce qui leur appartient.

— On va se payer ces Français, commandant.

Mais l’homme se tut en voyant le regard que lui jetait Tyacke. Les Français. La plupart de ces hommes n’avaient pas seulement idée de l’endroit où ils se trouvaient, ni de leur destination. Le temps, la nourriture, la sécurité. Tout ce qui comptait était très différent, dans les postes d’équipage. Il y avait des odeurs d’humanité entassée, d’eau croupie dans la cale, de goudron, de chanvre et de peinture. Il répondit :

— Nous allons nous battre contre les ennemis du roi, les gars. Mais n’oubliez pas le principal : une main pour Sa Majesté, et une main pour vous – ils le regardaient très attentivement : On se donne la main.

Certains ne pouvaient détacher leurs yeux de ses horribles cicatrices, d’autres ne voyaient que ses yeux. On entendit des rires, d’autres matelots installés à une autre table tendirent le cou pour écouter ou pour demander ce que le commandant venait de dire.

Une voix cria :

— Ça vous dirait de boire un godet, commandant ?

— Oui, je veux bien – il semblait un autre homme quand il ajouta : Il faut garder la tête bien froide en prévision de demain.

Ils gardèrent le silence lorsqu’il avala son gobelet de rhum sec. Il hocha la tête en retenant sa respiration.

— Le sang de Nelson, les gars !

Mais il se redressa autant qu’il put, silhouette impressionnante entre les barrots.

— Dieu vous bénisse tous.

Tout le monde poussa des vivats, mais le brouhaha cessa au moment où Tyacke déclara :

— Poursuivons, monsieur Blythe !

Ils traversèrent les postes de fusiliers marins, les casers, comme ils persistaient à les appeler. Il y avait là des tambours impeccablement rangés, des baudriers briqués à clair, des râteliers avec leurs mousquets Brown Bess, des tuniques écarlates. Tout le monde souriait jusqu’aux oreilles, un ou deux sous-officiers allèrent même jusqu’à la poignée de main.

Tyacke sentit enfin l’air salé lui rafraîchir le visage. Il était heureux d’en avoir fini. Il savait pertinemment qui lui avait enseigné l’importance qu’avait ce genre de contact, mais aussi la souffrance que pouvait vous causer une intimité aussi étroite avec des hommes que vous pouviez, selon le cas, promouvoir, punir du fouet, faire pendre, même aux portes de la mort.

Il aperçut une silhouette familière allongée contre une pièce de vingt-quatre. Troughton, le coq unijambiste qui avait connu les mêmes tourments que lui à Aboukir.

— Vous les avez mis dans votre poche, commandant ! Ce vieil Indom, vous l’avez à la main, voilà tout !

Mais on l’appelait, et Tyacke en fut soulagé. Ce jeune homme, frais et rose, qui avait volé en pièces lorsque le monde avait explosé autour d’eux, devinait ce qui se cachait derrière les apparences ; il lui suffisait de faire appel à ses souvenirs.

Il se tourna vers l’aspirant Blythe qui le regardait avec un respect mêlé de crainte.

— Les hommes, monsieur Blythe. Des gens ordinaires, des gens de tous les jours. Si vous les croisiez dans la rue, si vous les voyiez travailler aux champs, en Angleterre, vous ne les remarqueriez jamais, non ?

Blythe acquiesça sans rien dire. Tyacke poursuivit, impitoyable :

— Mais voilà, ils sont la réponse à ma question. Ils font la force du bâtiment. Ne les faites donc pas mourir pour rien.

Il regarda l’ombre de l’aspirant se perdre dans l’obscurité. Il avait appris quelque chose, jusqu’à la prochaine fois.

Il songeait à celui dont la marque flottait à la tête du grand-mât, et sourit, un peu gêné par ce qu’il venait de faire.

Passant la main sur un hauban goudronné, il murmura pour lui-même : « Qu’il en soit ainsi. »

 

Au nom de la liberté
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